Le marketing dans les bibliothèques ou comment se rendre visible

Je suis à l’emploi de la bibliothèque du Cégep et de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue depuis un peu moins de 4 ans et j’ai passé les 27 précédentes années au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue à titre de conseiller en communication. Le monde de la publicité et des relations publiques m’habite encore passablement. L’une de mes préoccupations présentes consiste bien évidemment à mieux faire connaître notre bibliothèque auprès des usagers.

Lorsque je suis tombé par hasard sur The Visible Librarian (en bouquinant parmi les livres électroniques d’Ebsco), j’ai constaté que les efforts déployés par notre équipe s’orientent manifestement dans le bon sens et que cet ouvrage pourrait nous inspirer pour améliorer nos stratégies.

Écrit en 2003 par Judith A. Siess et édité par l’American Library Association, The Visible Librarian constitue selon moi une sorte de manifeste en faveur de la visibilité des bibliothèques. Le sous-titre, Asserting Your Value with Marketing and Advocacy, en renforce le sens en lançant le message de se mettre en valeur et d’utiliser les méthodes du marketing et de la publicité.

Bien que les médias sociaux aient pris une ampleur qu’on ne connaissait pas 10 ans auparavant, le propos du livre demeure pertinent. Internet reste un compétiteur sérieux et nous devons constamment nous renouveler pour nous mettre en valeur.

Chacun des 5 chapitres du livre constitue une piste à la fois pour assurer le meilleur service qui soit, et pour que ça se sache. Cette tendance est d’ailleurs reconnue par l’International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA), qui récompense annuellement,  par le « IFLA International Marketing Award », des initiatives réalisées par des bibliothèques.

Vendre l’invisible : le service à la clientèle

L’auteure aborde l’importance du service à la clientèle. Qu’est-ce qui nous distingue? Comment insuffler à l’usager le désir de venir ou de revenir à la bibliothèque (en personne ou virtuellement)? On aborde les bases du service à la clientèle : se connecter avec nos usagers, les servir rapidement et avec courtoisie, entretenir la relation avec l’usager, adopter une approche client. Un client insatisfait s’adressera rapidement à un compétiteur.

Quel est le compétiteur le plus sérieux de la bibliothèque? Le fait de s’en passer et de se tourner  vers Internet. Selon Madame Siess, en ce sens, une bibliothèque est comme une entreprise. Pour retenir nos « clients », nous devons les connaître, connaître leurs besoins et leurs préférences, les écouter (les écouter réellement…). La touche personnalisée est probablement l’un des meilleurs arguments  qui permettra de contraster avec l’impersonnalité d’Internet.

Aplanir les obstacles liés au service à la clientèle constituera un défi de taille. L’un d’eux réside notamment dans la complexité du système de classification. L’autre, dans l’attitude visant à s’imaginer que l’usager viendra à nous. Dans les faits, nous dépendons des usagers plus qu’ils dépendent de nous.

L’un des signaux les plus révélateurs du déclin de la relation avec les usagers demeure l’absence de plainte. Personne n’est à ce point satisfait. Un usager qui a constaté que sa plainte ou son commentaire a été enregistré se sentira considéré. Et pour susciter l’acheminement des plaintes, au lieu d’attendre qu’elles se présentent, pourquoi ne pas les collecter par le biais d’un formulaire? Un usager satisfait le mentionnera à une ou deux personnes, un usager insatisfait s’en plaindra à une dizaine. Satisfaire un usager est simple : aller au-delà de leurs attentes.

Le marketing de terrainL’approche marketing, c’est-à-dire l’idée mettre en évidence ce qu’on ne trouve pas ailleurs.

La bibliothèque ne doit pas demeurer le secret le mieux gardé. En utilisant une approche  marketing, on est conscient de sa valeur et on le démontre avec créativité.  Cette idée couvre tous les aspects de l’offre et de la demande d’une bibliothèque, des besoins exprimés par les usagers jusqu’à l’évaluation de leur perception sur nos produits et services. L’auteure insiste notamment sur un stéréotype particulièrement tenace à combattre : tout est gratuit sur Internet. Pourquoi s’en passer puisque tout y est repérable facilement?

Qui sera le « vendeur » (le bibliothécaire est souvent le mieux placé pour mettre de l’avant sa bibliothèque)? Quoi mettre en valeur? Où et comment exercer cette « vente »? Ces questions trouvent des réponses et sont assorties de conseils pratiques : une bonne connaissance de son compétiteur, le souci de bien servir et d’offrir des lieux agréables et confortables, une évaluation régulière de ses pratiques, une révision constante de l’offre de produits et services, faire la distinction entre vendre ses produits et vendre ses services. L’auteure incite les bibliothécaires à constamment se remettre en question de manière à offrir aux usagers plus qu’ils ne peuvent espérer. L’approche marketing en bibliothèques (tout comme ailleurs), c’est d’abord l’approche client :

  • Offrir les bonnes ressources. Mettre par exemple l’accent sur les bases pertinentes et proposer une aide à l’usager efficace et rapide.
  • Les offrir au bon prix. Selon l’auteure, la valeur des bibliothèques s’exprime aussi par la valeur de ses collections et de ses services. En exprimer publiquement le coût donne l’impression à l’usager que tout n’est pas gratuit et apporte une valeur ajoutée à l’information.
  • Se promouvoir de la bonne manière, c’est-à-dire promouvoir nos meilleurs coups.
  • S’adresser aux bonnes personnes, cibler les bonnes clientèles. Les besoins des étudiants sont différents de ceux des professeurs.
  • Saisir le bon moment. Par exemple, promouvoir les formations documentaires dès la rentrée scolaire, mettre en valeur de nouvelles acquisitions littéraires au moment d’un salon du livre, etc.

Les messages publicitaires doivent transpirer de clarté et présenter un aspect graphique soigné. Tester la campagne avant de la lancer est essentiel.

La publicité : des gestes concrets.

Avant toute intervention, on y suggère la rédaction d’un plan de relations publiques. Y seront détaillés :

  • une analyse de l’environnement de la bibliothèque : forces et faiblesses, clientèle, produits et services, stratégie de communication;
  • un programme : vision et mission, buts et objectifs, stratégie adoptée;
  • les ressources à y consacrer : personnel, temps alloué, ressources matérielles, budget;
  • la mise en œuvre : programmation dans le temps et étapes de réalisation, stratégie, réactions dont une évaluation de la campagne.

Aborder différentes formes de publicité augmente les chances de bien transmettre le message. Diversifier les médiums favorise ainsi une meilleure diffusion.

Les relations publiques : la touche personnelle.

Rejoindre les usagers constitue une étape importante pour la mise en valeur de la bibliothèque : kiosques, portes ouvertes, présentations, formations, accueil des usagers, relations à distance efficaces et courtoises, tout peut contribuer à présenter une image positive de la bibliothèque.s

La défense des intérêts des bibliothèques

L’auteure revient sur les causes du recul (sinon de la disparition) de bon nombre d’entre elles. Dans nos milieux universitaires respectifs, la question se pose moins, cependant, notre pertinence doit être défendue et nos bons coups, connus. Selon Madame Siess, nous devons informer nos usagers du rôle que les bibliothécaires peuvent jouer dans l’accès à l’information. Rendre l’information accessible n’est pas suffisant. Associer une valeur à cette information et fournir du soutien pour guider l’usager dans la quête de cette information est tout aussi nécessaire. Que pouvons-nous faire?

  • Ajuster la mission de la bibliothèque sur les objectifs de nos usagers.
  • Communiquer notre savoir-faire.
  • S’assurer de posséder les bonnes ressources documentaires.
  • Se servir efficacement des concepts de marketing et de relations publiques.

Comme le mentionne Karine Charbonneau dans un article intitulé Marketing – La force du contenu (Infopresse, octobre 2013, p. 23), « [Le] défi est d’envisager le marketing de contenu comme une stratégie de longue haleine ». La relation avec les usagers des bibliothèques s’établit sur du long terme. L’approche client est donc un défi et une adaptation de tous les instants.

Par :

Louis Paré

Spécialiste en moyens et techniques d’enseignement

Bibliothèque Cégep et

Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

Bibliographie

Siess, Judith A. (2003). The visible librarian – Asserting Your Value with Marketing and Advocacy. Chicago : American Library Association.

Charbonneau, Karine. (2013). Marketing – La force du contenu. Infopresse, 29(3)21-23

À propos de Louis Paré

Spécialiste en moyens et techniques d'enseignement à la bibliothèque du Cégep et de l'Université du Qc en Abitibi-Témiscamingue

9 Réponses vers “Le marketing dans les bibliothèques ou comment se rendre visible”

  1. Bonjour,
    Comment peut-on accéder à l’article de Karine Charbonneau que vous mentionné « Marketing – la force du contenu »?
    Merci d’avance,
    Marie-Carmen

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