Quels sont les liens entre les CI, les compétences d’écriture et le plagiat?

En collaboration avec Sylvie Gervais, bibliothécaire à l’Université du Québec en Outaouais

L’obtention d’un diplôme universitaire exige d’un étudiant qu’il passe de nombreuses heures à rédiger des travaux. Bien que le contenu du travail soit la priorité, il n’en demeure pas moins que la forme de celui-ci est également importante. En effet, un texte mal écrit ne permet pas au scripteur de démontrer ce qu’il a appris (Radloff & De la Harpe, 2001).

 Compétences d’écriture du bon scripteur à l’université

Une bonne compétence d’écriture est donc essentielle pour la réussite universitaire (Boudreau & Dezutter, 2013). Un bon scripteur planifiera et révisera son texte à plusieurs reprises lors de l’écriture d’un texte (Olive & Piolat, 2003). La planification du texte devient particulièrement importante puisqu’elle amènera l’étudiant à réfléchir à ce qu’il connait sur le sujet, à ce qu’il a besoin comme information supplémentaire et à comment il organisera le tout. Le processus d’écriture n’étant pas linéaire mais bien itératif (Reuter, 1996), plusieurs étudiants modifieront leur plan au fur et à mesure que l’écriture de leur texte avancera, retournant chercher de l’information lorsque nécessaire (Boubée, 2008).

 Utilisation et compréhension du processus de recherche d’information

Savoir trouver, évaluer et utiliser l’information (Association of College and Research Libraries (ACRL), 2000; Crepuq, 2008) devient donc essentiel pour qu’un étudiant rédige un bon texte. Du choix des mots clés, à l’évaluation des sources et du contenu jusqu’à l’utilisation éthique de l’information, l’étudiant doit se servir de ses compétences informationnelles tout au long de l’écriture de son texte. Il mettra donc à profit ses compétences informationnelles, soit la compréhension de la façon dont l’information est produite, de l’utilisation éthique de l’information dans la création de nouvelles connaissances et en communautés d’apprentissage » [traduction libre] (Association of College and Research Libraries, 2015, p. 3).

 La recherche d’information « satisfusante »

L’apparition de l’ordinateur portable ainsi que l’accès facile à l’information sur Internet ont modifié les habitudes de rédaction des étudiants universitaires (Lenhart, Arafeh, Smith, & Rankin Macgill, 2008). Ceux-ci se tournent automatiquement vers le web lorsqu’ils ont besoin d’information (Piette, Pons, & Giroux, 2007). Les comportements informationnels des étudiants novices en recherche d’information se résument presque essentiellement par le choix de Google comme source d’information, la consultation des premiers résultats et l’évaluation et la sélection de l’information basée sur la facilité de l’accès au contenu plus que le contenu en soi (Sciammarella, 2009). Kennedy and Judd (2011) mentionnent que les étudiants ont tendance à trouver une information « satisfusante » (traduction libre de satisficing), ce que Boubée caractérise de procédé « satisfaisant parce que suffisant »(2011, p. 7) pour satisfaire les exigences minimales de leurs professeurs. Ils limitent donc leurs efforts, produisant des recherches d’information superficielles et peu rigoureuses (Diseth, Pallesen, Brunborg, & Larsen, 2009).

 Le syndrome du copier-coller

Ainsi, l’abondance de l’information, son accès facile sur le web, le manque d’efforts amènent spontanément les étudiants au copier-coller (Rinck & Mansour, 2014; Sciammarella, 2009). Maurer and Kulathuramaiyer (2007) décrivent le syndrome du copier-coller comme une dépendance à une grande variété de contenu numérique facilement accessible. Pourtant, Boubée (2008) voit une double utilité au copier-coller qui permet aux étudiants d’évaluer leur démarche informationnelle tout en les amenant à définir leurs besoins d’information. Le copier-coller fait partie d’une série de stratégies de créacollage numérique (Peters, 2015), qui permettent aux étudiants de se servir de leurs compétences informationnelles et d’écriture pour rédiger leurs textes. Ces stratégies de créacollage numérique (SCN) servent à identifier, analyser, évaluer et sélectionner l’information nécessaire à la rédaction du texte. L’organisation de l’information, son intégration dans le texte rédigé par les étudiants et son référencement font également partie des SCN. Le créacollage numérique (Ryberg & Dirckinck-Holmfeld, 2008) est donc considéré comme un processus créatif (Lessig, 2004) qui exige des étudiants un travail de compréhension et d’assimilation de l’information afin d’obtenir un texte cohérent.

Cependant, une SCN qui échappe souvent aux étudiants est la nécessité de référencer les sources, ce qui amène les étudiants à plagier les propos d’autrui. En effet, des divers types de plagiat se retrouvant dans les textes d’étudiants universitaires, l’absence de références est l’un des plus fréquents (Allan, Callagher, Connors, Joyce, & Rees, 2005). Baruchson-Arbib and Yaari (2004) signalent la difficulté des étudiants à savoir quoi référencer, quand le faire et comment. Pourtant notre système universitaire exige des étudiants qu’ils soient capables « d’identifier clairement l’information recherchée, de la rechercher et de la traiter efficacement et d’en faire un usage éthique et légal à des fins pédagogiques, scolaires ou académiques » (Karsenti et Dumouchel, 2010, 226).

Malheureusement, les étudiants ne reçoivent que très peu de formation sur les SCN, leurs compétences informationnelles ou encore les divers moyens d’éviter le plagiat (McGowan & Lightbody, 2008). Pourtant des formations sur ces sujets rendraient la tâche d’écrire des travaux sans plagier plus facile aux élèves (Lathrop & Foss, 2005).

 Conséquences du manque de stratégies de créacollage numérique, de compétences informationnelles et d’écriture

Dans le processus de recherche d’information, certaines pratiques peuvent aider les étudiants à éviter le plagiat, garder les traces des sources et les documenter, miser sur l’évaluation de l’information plutôt que l’accès, comprendre d’où provient l’information. À l’inverse, la méconnaissance des éléments bibliographiques et des types de documents par les étudiants rend difficile le référencement des sources et conduit par le fait même au plagiat (Sarah, Lori, & Connie Jo, 2011). Les difficultés qu’ils rencontrent relèvent d’une part de leur capacité à conserver l’information repêchée pour référencer les sources ultérieurement et d’autre part à insérer les citations dans un texte (Sciammarella, 2009). Plusieurs auteurs indiquent que l’utilisation correcte de paraphrases est une autre embuche que rencontrent les étudiants lorsqu’ils rédigent (Barry, 2006; Roig, 1999; Schuetze, 2004) et que ceux-ci devraient être formés afin de prévenir du plagiat involontaire.

Solutions pour développer les compétences

Afin de prévenir le plagiat, les étudiants doivent développer leurs SCN, leurs compétences informationnelles et d’écriture et les enseignants doivent rendre plus explicite la notion de plagiat et ses conséquences.

Sciammarella (2009) propose entre autres, la conception de travaux préparés en plusieurs phases qui s’arriment au processus de recherche plutôt qu’à la production d’un texte final. Par exemple, les étudiants peuvent créer une bibliographie annotée afin de démontrer leurs connaissances des sources qui ont été utilisées dans le travail. De plus, l’enseignant peut attribuer un pourcentage de la note à la bibliographie d’un travail renforçant ainsi l’importance accordée aux choix des sources et amenant les étudiants à se soucier de l’importance de ne pas plagier (Christenbury, 2009; Fazel & Kowkabi, 2013; Sciammarella, 2009).

Burkhardt, MacDonald, & Rathmacher (2010) proposent un exercice qui présente un ensemble de citations correctes et incorrectes, entre guillemets ou en paraphrase. Quant à Mott-Smith (2011) elle propose cinq leçons qui permettent d’initier des discussions autour de l’emprunt textuel. Premièrement, il importe de bien définir citation et paraphrase. Deuxièmement, il est nécessaire d’aborder la notion d’introduction des sources dans un texte suivi d’explications sur le processus d’écriture et l’utilisation du copier-coller. Ensuite, l’enseignant devrait démontrer comment le référencement situe les auteurs dans une communauté discursive et contribue à construire leur autorité. Finalement, afin de cibler les différences culturelles, les étudiants devraient être amenés à raconter leur expérience de créacollage afin que l’enseignant puisse clairement détailler ce qui est du plagiat et ce qui n’en est pas. En faisant de la formation au référencement une part intégrante de la lecture et de l’écriture, ces leçons cherchent à ouvrir la discussion sur des aspects que l’on tient souvent, dans le milieu académique, comme allant de soi (Mott-Smith, 2011).

Conclusion 

Il devient donc primordial de former les étudiants à la recherche, mais surtout à l’utilisation de l’information dans la rédaction de travaux universitaires. À titre de formateurs, nous devons adapter les formations en fonction des habitudes et des comportements informationnels des utilisateurs du 21e siècle, donner des travaux qui sont moins traditionnels (Sciammarella, 2009) et qui mettent l’emphase sur le processus plutôt qu’uniquement sur le produit final. Pour développer de bonnes pratiques informationnelles et pour éviter le plagiat, les étudiants doivent d’abord apprendre et comprendre le processus de recherche (Sciammarella, 2009, p. 24) et développer les habiletés d’écriture qui permettent l’intégration de l’information trouvée dans leur texte.

Références

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À propos de Martine Peters

Professeure à l'Université du Québec en Outaouais qui s'intéresse aux stratégies de créacollage numérique et à leur potentiel pour diminuer le plagiat dans les travaux scolaires et universitaires

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