Sensibiliser les membres de la communauté académique à la contribution des CI dans le parcours universitaire et professionnel

Entre les mois de janvier et d’avril 2018, le groupe de travail responsable de la Promotion du développement des compétences informationnelles (GT-PDCI) du réseau de l’Université du Québec (UQ) a réalisé une consultation portant sur la contribution des compétences informationnelles (CI) sur la réussite académique en milieu universitaire. Cette enquête visait à préciser l’impact des CI sur les résultats académiques, la persévérance, la rétention, le développement d’autres compétences des étudiants universitaires ainsi que sur la reconnaissance de la qualité du travail des diplômés universitaires par les employeurs.

Une revue de littérature, des entrevues avec divers intervenants (professeurs [5], conseillers pédagogiques [4], bibliothécaires-formateurs [10], etc.) ainsi que l’envoi d’un questionnaire en ligne à des étudiants universitaires [74] et à des employeurs [36] ont permis de recueillir des données et d’approfondir nos connaissances sur l’apport des CI dans le contexte universitaire québécois. Ce billet vise à faire connaître l’essentiel des conclusions présentées dans le rapport, Contribution des compétences informationnelles dans le parcours universitaire et professionnel, qui peut être consulté en ligne à l’adresse suivante : http://ptc.uquebec.ca/pdci/system/files/documents/administration/rapport_contribution_ci-2018.pdf.

 

Résultats académiques

De nombreuses études démontrent qu’il existe une corrélation positive entre les résultats scolaires (moyenne) et l’acquisition des CI (nombre de formations suivies) chez les étudiants universitaires (Bowles-Terry, 2012; Vance et al., 2012; Wong et Cmor, 2010; voir aussi Blake, Bowles-Terry, Pearson et Szentkiralyi, 2017 ; Catalano et Phillips, 2016 ; Sanabria, 2013). Une autre étude s’attarde à la perception des étudiants universitaires et établit que ceux-ci croient que les formations suivies à la bibliothèque leur permettent d’avoir de meilleures notes (Julien et Boon, 2004).

Cette dernière analyse est confirmée par les données recueillies à l’aide d’un questionnaire en ligne auquel 74 étudiants universitaires québécois des trois cycles d’études ont participé en avril 2018. En effet, 81% des étudiants du 1^er cycle, 67% du 2^e cycle et 46% du 3^e cycle considèrent que l’acquisition de CI contribue à améliorer leurs résultats scolaires.

D’autres membres de la communauté universitaire partagent également ce sentiment. Lors d’une entrevue avec des membres du Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP), une directrice aux affaires académiques à qui il est demandé d’évaluer comment la qualité et la crédibilité de l’information contribuent au parcours universitaire des étudiants remarque que

certains étudiants passent au travers du cursus sans maîtriser les CI, ce qui peut avoir un impact sur leurs notes. Méconnaissant le niveau de CI des étudiants, les enseignants s’attendent à ce que cela soit acquis. De plus, les ateliers de formations documentaires offerts en début de parcours sans suivi ne permettent pas une assimilation adéquate des CI.

 

Persévérance scolaire

Des études mettent en évidence l’impact positif de la maîtrise des CI chez les étudiants universitaires pour leur persévérance scolaire. Elles illustrent que le fait de suivre un cours crédité portant sur les CI (Cook, 2012), des cours incluant l’enseignement des CI (Blake et al., 2017), des formations documentaires intégrées aux programmes de séminaires (Sanabria, 2013) ou d’être inscrit à des ateliers offerts par la bibliothèque (Soria, Fransen et Nackerud, 2013, 2017a, 2017b) a un impact positif sur :

• le taux de rétention des étudiants ;
• le nombre de crédits complétés annuellement ;
• le taux de graduation.

Les étudiants interrogés constatent également des retombées positives lorsqu’ils développent leurs compétences informationnelles et considèrent à 32% que cela a des effets sur leur persévérance scolaire. Les étudiants du 1^er cycle sont, quant à eux, plus de 40% à penser que la persévérance scolaire est influencée positivement par la maîtrise des CI.

Une bibliothécaire-formatrice de l’École de technologie supérieure (ÉTS) témoigne de cet impact positif :

Elle me confie qu’avant la formation, elle doutait de ses chances de réussir son retour aux études. […] Étant peu familière avec la recherche d’information en ligne et les nouveaux outils technologiques, et se sentant peu encadrée par ses enseignants, elle craignait d’échouer à un ou à plusieurs de ses cours. Les informations reçues lors de la formation de groupe, puis lors d’une rencontre individuelle par la suite, lui ont redonné confiance en ses capacités.

 

Développement d’autres compétences

En développant leurs CI les étudiants développent aussi plusieurs autres compétences comme la résolution de problème, la pensée critique et les capacités rédactionnelles (Daugherty et Russo, p. 9). Les étudiants démontrent plus de persévérance dans leurs recherches d’information ainsi qu’une plus grande capacité à rédiger de bonnes questions de recherche et à sélectionner les ressources appropriées (Shao et Purpur, 2016).

 

Compétences rédactionnelles

Les étudiants questionnés constatent une amélioration de leurs compétences rédactionnelles lorsqu’ils acquièrent des CI. Que ce soit pour la rédaction de travaux de recherche, de rapports ou de communications scientifiques, ils analysent, structurent et synthétisent mieux l’information.

 

Pensée critique

Plusieurs membres de la communauté universitaire rencontrés estiment que le développement des CI influence la qualité des sources utilisées dans les travaux des étudiants universitaires :

Il s’agit de l’essence même des apprentissages scolaires : être en contact avec des informations crédibles, solides, appuyées ; et savoir les discriminer. La connaissance de processus de création et de diffusion de l’information rend l’étudiant plus éclairé, moins dupe face aux informations qu’il reçoit. En ce sens, il est susceptible d’intégrer et de partager à son tour des informations solides, et non des pseudo-connaissances. (Sophie Beaupré, Conseillère pédagogique, TÉLUQ)

En suivant des formations documentaires, les étudiants universitaires acquièrent des notions leur permettant de poser un regard critique sur les informations consultées et les sources d’information visitées : des notions essentielles dans notre époque d’infobésité et de « fake news ».

Intégrité intellectuelle

Les CI sont intimement liées à l’intégrité intellectuelle. Connaître les bonnes méthodes et outils permettront de limiter les cas de plagiat qu’ils soient volontaires ou non. Un professeur au département de didactique à l’UQAM questionne le rôle des universités à ce sujet :

« Je crois qu’il faudrait plutôt inverser la question et se demander comment le parcours universitaire contribue à la capacité d’utiliser l’information de façon éthique. »

Il faut ainsi se demander comment des chercheurs traversent leur parcours universitaire sans maîtriser ces questions :

Les enseignants ont également des difficultés avec leurs propres CI. Mon expérience dans la révision d’articles m’a permis de constater qu’il y avait plusieurs lacunes dans la pratique des chercheurs (ex. :  incohérences entre la bibliographie et les citations, citations directes qui ne sont pas notées comme telles, etc.). Ces situations peuvent amener des pratiques qui se rapprochent du plagiat. (Professeur, UQTR)

 

Savoir-faire numérique

Certaines compétences développées favorisent le développement de bonnes pratiques liées à l’usage des nouvelles technologies.

[Si] ce n’est pas à l’université que l’étudiant entend parler de marchandisation des données personnelles, on ne sait trop où il pourra en entendre parler. Le stockage de ses données de requêtes documentaires, son historique de navigation traqué, ses cookies partagés à des tiers ; bref tous ces phénomènes concernant la vie privée sur Internet dont il n’est pas encore question dans le parcours scolaire. (Sophie Beaupré, Conseillère pédagogique, TÉLUQ)

 

Compétences professionnelles des diplômés universitaires

Un questionnaire en ligne s’intéressant au parcours professionnel des diplômés universitaires a été rempli par 36 employeurs issus de divers domaines d’activités comme l’éducation, les transports, le secteur minier, financier, etc. Les répondants confirment que, dans le cadre de leur travail, les diplômés universitaires sont amenés à réaliser des tâches liées aux CI faisant partie de leur définition de poste.

La maîtrise des CI est appréciée lors de l’embauche d’un candidat et les employés ayant développé de bonnes compétences informationnelles sont considérés comme un atout pour l’entreprise : ils permettent de gagner du temps, prennent des décisions éclairées, présentent des produits ainsi que des projets de façon efficace et proposent des solutions bien documentées.

En tant que gestionnaires, les répondants, eux-mêmes, mentionnent également devoir faire appel à leurs CI quotidiennement lors de la réalisation de certaines tâches : analyser et évaluer des données, faire de la veille, rédiger des documents, confronter des sources et des informations, etc.

Connaissant cette réalité, 95 % des étudiants universitaires indiquent dans le questionnaire penser que les CI seront nécessaires dans leur contexte professionnel futur pour la mise à jour des connaissances dans leur domaine, la recherche d’information, l’analyse de cette information et la capacité à exploiter celle-ci. Ils décrivent l’utilité des CI en contexte professionnel ainsi :

• pour offrir des soins de qualité et avant-gardistes à mes patients ;
• pour poursuivre le développement de mes connaissances et de mes compétences dans mon domaine professionnel ;
• pour évaluer la pertinence de mes pratiques ;
• pour synthétiser l’information à des fins de vulgarisation ;
• pour appuyer mes interventions par des sources fiables et produire des rapports éthiques ;
• etc.

Michèle Leduc-Lapierre, diplômée de l’UQAR en biologie et en gestion de la faune et ses habitats, témoigne de l’usage qu’elle fait quotidiennement des CI dans le cadre de son emploi comme spécialiste de programme sénior à la Commission des Grands Lacs :

Même si mon travail est à des années-lumière de ce que je faisais durant ma maîtrise, j’utilise plusieurs compétences acquises à l’université. Je pense, entre autres, à la recherche quotidienne d’information. Je suis également beaucoup appelée à écrire : des notes d’information, des rapports, des demandes de subventions. Sans mon expérience de rédaction de mémoire, j’aurais eu une bonne courbe d’apprentissage à gravir. De plus, je suis souvent appelée à synthétiser de l’information complexe. (Leduc-Lapierre, 2017)

 

Conséquences d’un faible niveau de développement des CI

Les étudiants questionnés des trois cycles universitaires mentionnent éprouver des difficultés dans la réalisation de certaines tâches et constatent un manque d’offre de formations au sein des programmes réguliers comme de la formation continue.

En contexte académique, des entrevues réalisées auprès d’enseignants révèlent que ces derniers remarquent des différences entre les étudiants ayant ou non développé un certain nombre de CI. Ils mentionnent que les lacunes de CI des étudiants peuvent engendrer :

• une qualité des travaux moindre ;
• une présentation avec des informations de mauvaise qualité, fausses ou incomplètes ;
• des cas de plagiat (volontaire ou non).

D’autres enseignants et conseillers pédagogiques interrogés notent que les étudiants universitaires n’ayant pas développés leurs CI ont :

• plus de difficulté à réaliser leurs travaux ;
• font circuler des informations erronées ;
• ont des bibliographies pauvres ;
• des arguments moins solides ;
• des connaissances plus superficielles de leurs sujets de recherche ;
• etc.

Ils constatent également qu’un fossé existe désormais entre les connaissances des enseignants et celles des étudiants qui échouent dans leurs travaux, car ils ne rencontrent pas les standards de qualité universitaires et remarquent que l’on peut distinguer clairement les étudiants ayant assisté aux formations documentaires de ceux qui ne les ont pas suivies.

Lors d’une entrevue réalisée avec des membres du GRIIP, une professeure mentionne qu’un manque de CI peut également affecter les professeurs :

des lacunes de CI peuvent aussi avoir des impacts dans le milieu professionnel quant à la capacité de se perfectionner. Par exemple, la capacité de trouver des informations pertinentes permet aux enseignants de se développer de manière continue. De plus, [ces derniers] doivent maîtriser ces compétences s’ils veulent les transmettre à leurs étudiants…

En contexte professionnel, un manque de CI d’un employé pourra occasionner certains problèmes à l’entreprise qui l’embauche :

• perte monétaire ;
• erreur dans la communication de données importantes ;
• production ralentie ;
• retard dans le versement de subventions ;
• mauvaise analyse menant à développer des produits ou fonctionnalités inutilisables ;
• etc.

En conclusion, mentionnons que les bibliothécaires en milieu universitaire possèdent une expertise dans le soutien au développement des CI et sont des partenaires essentiels des professeurs et des conseillers pédagogiques dans l’acquisition de celles-ci. Si certains ont la chance de pouvoir rejoindre tous les étudiants universitaires d’une discipline par le biais de formations aux CI intégrées au cursus scolaire, d’autres poursuivent leurs efforts en offrant des formations à l’extérieur des cours tout en sachant que cette façon de faire ne permettra pas aux étudiants de développer leurs compétences informationnelles à long terme.

Les enseignants, les conseillers pédagogiques et tous les autres membres des communautés universitaires québécoises interrogés constatent l’importance de développer les CI durant leur parcours universitaire comme 61% des étudiants interrogés. Plusieurs études identifient également les universités comme le meilleur endroit pour développer ces compétences (Cypher et Lyle, 2017).

* Aucun d’entre eux ne répondra peu ou pas important à cette question.

 

Plusieurs expériences démontrent que l’intégration des CI dans les programmes d’études permettrait de développer les compétences des étudiants universitaires de façon durable. En s’insérant dans le contexte d’apprentissage de la discipline, l’acquisition des CI se fait par étapes et est ancrée dans la réalité de l’étudiant. Plusieurs témoignages mettent de l’avant les répercussions de ces formations lorsqu’elles s’inscrivent dans le contexte d’apprentissage de la discipline :

les professeurs avaient des présuppositions quant au niveau de maîtrise des CI des étudiants qu’ils croyaient plus élevé. Dans le programme de formation en sciences infirmières à l’UQAR, les CI ont été inscrites afin que des cours spécifiques abordent chacune d’entre elles. On souligne que le fait de travailler ensemble dans une équipe programme est pertinent dans ce contexte. Les attentes et les exigences deviennent ainsi plus cohérentes pour les étudiants. Depuis, les étudiants proposent des articles de meilleure qualité et ils semblent plus au fait des démarches reliées à la recherche scientifique. (Professeur, UQAR)

Les employeurs, quant à eux, recherchent des diplômés possédant des CI leur permettant de faire des recherches approfondies dans plusieurs outils afin d’identifier les meilleures solutions (Head, 2012) et considèrent qu’un fossé se creuse entre les besoins des employeurs et les universités qui évaluent davantage les connaissances des étudiants plutôt que l’acquisition de CI (Cypher et Lyle, 2017). Un sondage complété par 98 diplômés d’universités américaines montre que plus de 50% des répondants pensent que leurs compétences en recherche ont joué un rôle dans leur embauche puisque pour 77% d’entre eux la recherche d’information est une tâche essentielle dans le cadre de leur emploi (Travis, 2011).

En tant que bibliothécaires, professeurs, chargés de cours, conseillers pédagogiques, étudiants ou autres membres universitaires, notre rôle est de sensibiliser nos collègues, enseignants, étudiants, directeurs et décideurs à l’importance de développer les compétences informationnelles en les intégrant aux programmes d’études de façon à outiller tous les étudiants dans leur avenir académique et professionnel.

 

Bibliographie

Blake, J., Bowles-Terry, M., Pearson, N. S. et Szentkiralyi, Z. (2017). The impact of information literacy instruction on student success : A multi-institutional investigation and analysis. Central University Libraries Research, 13. Repéré à http://scholar.smu.edu/libraries_cul_research/13

Bowles-Terry, M. (2012). Library instruction and Academic success : A mixed-methods assessment of a library instruction program. Evidence based ibrary and information practice, 7(1), 82-95. https://doi.org/10.18438/B8PS4D

Catalano, A. J. et Phillips, S. R. (2016). Information Literacy and Retention : A Case Study of the Value of the Library. Evidence Based Library and Information Practice, 11(4). https://doi.org/10.18438/B82K7W

Cook, J. M. (2012). A library credit course and student success rates : a longitudinal study. College & Research Libraries, crl12-424. Repéré à http://crl.acrl.org/content/early/2012/12/19/crl12-424

Cyphert, D. et Lyle, S. P. (2017). Employer expectations of information literacy : Identifying the skills gap. Dans B. J. DʼAngelo, S. Jamieson, B. M. Maid et J. R. Walker (Éds), Information literacy : Research and collaboration across disciplines (pp. 53-79). Boulder, Colorado : University Press of Colorado. Repéré à http://wac.colostate.edu/books/infolit/chapter3.pdf

Daugherty, A. L. et Russo, M. F. (2011). An assessment of the lasting effects of a stand-alone information literacy course : The studentsʼ perspective. The Journal of Academic Librarianship, 37(4), 319-326. https://doi.org/10.1016/j.acalib.2011.04.006

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Julien, H., & Boon, S. (2004). Assessing instructional outcomes in Canadian academic libraries. Library & Information Science Research, 26(2), 121-139. https://doi.org/10.1016/j.lisr.2004.01.008

Leduc-Lapierre, M. (2017, 11 septembre). Le parcours d’une spécialiste de programmes sénior [Dossier : Parcours multiples]. Découvrir – Les enjeux du savoir : magazine de l’Acfas. Repéré à https://www.acfas.ca/publications/decouvrir/2017/09/parcours-specialiste-programmes-senior

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