Utiliser les techniques de la classe inversée pour enrichir les initiations à Zotero

Mise en contexte

Travaillant dans une bibliothèque universitaire, nous offrons de nombreuses formations sur les logiciels de gestion de données bibliographiques Zotero et EndNote. À noter : dans ce billet, seul Zotero est cité en exemple, car c’est mon préféré, mais nous présentons EndNote de la même manière.

La maîtrise de ce type de logiciel fait partie de nos objectifs principaux pour les formations destinées aux étudiants des cycles supérieurs. Nous voulons non seulement que ces derniers utilisent la fonctionnalité de citations automatiques, mais nous voulons aussi qu’ils maîtrisent celle, émergente, de gestion de lectures (annotations, indexation, catégorisation, etc.). C’est ambitieux, surtout si on tient compte des aspects suivants :

  • Le temps alloué aux formations en bibliothèque est très limité;
  • Bien souvent, nous ne voyons les étudiants qu’une seule fois;
  • Beaucoup d’étudiants découvrent l’existence du logiciel le jour même de la formation;
  • Il y a beaucoup de clics et d’onglets à manipuler;
  • Il y a beaucoup de contenu à transmettre;
  • Les compétences informatiques des participants d’un même groupe sont variables;
  • Nous voulons que les étudiants soient autonomes et responsables de leur parcours de formations;
  • Nous voulons personnaliser l’enseignement pour rejoindre les étudiants plus efficacement;
  • En raison du nombre de séances que l’enseignant offre pour différents groupes, le même contenu est répété plusieurs fois (voire beaucoup de fois).

Les techniques suivantes permettent de résoudre partiellement les points problématiques ci-dessus.

La classe inversée

La classe inversée, méthode éducative très à la mode ces dernières années, permet principalement d’allonger le temps d’étude de l’étudiant et de mieux répartir les activités d’apprentissage. L’étudiant fait d’abord des exercices chez lui, seul, grâce à un matériel pédagogique attrayant (vidéos, exercices guidés et commentés). Ensuite, il vient en classe et il reprend/poursuit l’apprentissage de manière plus active et en groupe. Si cette méthode est si populaire, c’est aussi parce que c’est plus plaisant pour l’enseignant : il n’a pas à répéter le contenu de base selon le rythme de chacun et il fait face en classe à des étudiants plus alertes, plus agiles et plus actifs.

Modèle d’activité de formation

Voici le modèle qui a été adopté pour toutes les activités de formation d’initiation à Zotero. Avant la formation, nous demandons à l’étudiant de visualiser une capsule vidéo et de pratiquer les fonctions présentées dans celle-ci. Pendant la formation, nous reprenons les fonctions de base vues dans la capsule et nous y ajoutons ensuite des éléments pour aller plus loin. Enfin, on fait mention de nouveaux éléments, bien que ceux-ci ne soient pas tous pratiqués activement en classe. Puis, après la formation, nous envoyons aux participants des capsules vidéos et des exercices pour aller plus loin sur les points évoqués mais non pratiqués en classe.

classe-inversee-zotero

Avant la formation

Une semaine avant l’atelier en présentiel, le bibliothécaire envoie un courriel aux participants les incitant à visualiser une capsule vidéo et à réaliser les étapes qui y sont présentées.

On demande a minima à l’étudiant de regarder la vidéo (9-10 minutes) et, si possible, de pratiquer lui-même ce qui y est présenté (ce qui ajoute 20-30 minutes au temps consacré par l’étudiant à la formation Zotero).

Les objectifs d’apprentissage de la capsule sont :

  • Installer correctement Zotero sur son ordinateur;
  • Récupérer automatiquement des références de livres et d’articles pour les insérer dans une bibliothèque Zotero;
  • Dans Word, citer les références de la bibliothèque Zotero.

Pour une formation dans le cadre d’un cours, nous demandons au professeur d’envoyer le courriel de notre part et nous ajoutons une page recto-verso d’exercices détaillés à compléter. L’étudiant doit voir la capsule et faire tous les exercices (temps estimé : une à deux heures).

En plus des objectifs visés par la capsule vidéo, les objectifs d’apprentissage des exercices détaillés sont :

  • Chercher des références bibliographiques dans des bases de données et des ressources spécifiques à une discipline ou à un sujet de recherche, afin de les intégrer à Zotero;
  • Créer des références manuellement (sans importation automatique);
  • Créer des collections et y déplacer des références.

Pour ces étapes de préformation, nous ne cherchons pas à en donner trop. Le but est que l’étudiant sache à quoi sert le logiciel, et où se trouvent les principales fonctionnalités.

Pendant l’atelier en présentiel

Au début de l’atelier, nous reprenons ce qui a été vu dans la capsule (récupérer des références automatiquement et les citer dans Word). Nous allons plus loin en ajoutant des précisions, des détails importants et des fonctions avancées à connaître.

  • Certaines fonctions sont expliquées, démontrées et pratiquées en classe.
    • Exemple : créer une référence manuellement, gérer des collections et des marqueurs, annoter manuellement…
  • D’autres fonctions sont seulement expliquées et démontrées, certaines sont seulement expliquées. On indique aux étudiants que s’ils sont intéressés, ils vont recevoir, après la séance, une feuille d’exercices avancés et des capsules détaillant les fonctions.
    • Exemple : avoir de bonnes pratiques de sauvegarde, récupérer les notes contenues dans des PDFs…

Comme les étudiants sont préparés, ils posent plus de questions et ils sont plus motivés. Malheureusement, il n’y a plus d’effet « Wow! » pendant l’atelier. Nous en avions très régulièrement quand les étudiants découvraient le logiciel le jour de l’atelier, mais il a fallu faire le deuil des cris d’extase des étudiants qui anticipent le temps et l’énergie sauvés grâce à Zotero.

Après l’atelier

Comme promis, nous envoyons aux étudiants un courriel contenant une série d’exercices détaillés et avancés (document de 5 pages), avec une demi-douzaine de capsules vidéo sur des fonctions qui n’ont pas été pratiquées en classe.

Présentiel ou virtuel

Dans l’atelier en présentiel, nous considérons l’enseignant comme un expert qui est prêt à répondre aux questions stimulantes des étudiants. L’enseignant insiste sur ce qui est important à connaître et sur ce qui est accessoire. En hiérarchisant et en contextualisant les apprentissages, il interroge les étudiants sur leurs propres pratiques et ce qu’ils en pensent. Il peut aussi rapidement dire ce qu’il est possible ou impossible de faire, et comment le faire.

Dans la formation virtuelle, l’enseignant a scénarisé une initiation engageante avec un minimum de choses à connaître, présentées de la manière la plus simple possible. Il ne veut pas les répéter par la suite en présentiel, car il y a peu de valeur ajoutée à faire faire cette initiation. En effet, se mettre en mode robot magnétophone est rébarbatif et inintéressant. Par ailleurs, si l’étudiant a des difficultés à suivre le fil, il peut faire l’initiation virtuelle de l’outil à son rythme, en lisant les sous-titres.

Pour le reste des éléments à montrer, l’enseignant ne perd pas de temps à faire pratiquer des procédures simples ou avancées. Il ne fait que mentionner l’intérêt de telle fonction, voire de la démontrer pour mieux convaincre.

Difficultés restantes

Comme nous pratiquons peu les fonctions de base lors de la formation (virtuelle ou présentielle), un étudiant qui n’a pas au moins visionné la première capsule aura plus de difficultés à suivre.

Par ailleurs, comme nous survolons tout de même un peu les fonctions de base lors de la séance, il faut être attentif à ne pas ennuyer ou à pénaliser les étudiants qui les ont déjà vues. Pour cela, on peut glisser des phrases clés (« Comme vous le savez déjà…», « Comme vous l’avez découvert…»), on peut prendre des exemples différents (provenant d’autres bases de données par exemple) et on peut ajouter des bonus (plus de commentaires et de détails qui ne sont pas présents dans la capsule). Je déconseille fortement de reprendre à l’identique le contenu de la capsule quand vous êtes en présentiel.

Dans le cas des formations dans le cadre d’un cours, les étudiants experts ou compétents vont aider leurs collègues assis à côté. Dans une formation libre, c’est beaucoup plus difficile, car personne ne se connaît.

Évaluation de ce modèle pédagogique

Appréciation post-formation

A l’automne 2015, 93 étudiants ont assisté aux formations libres sur Zotero. 60 étudiants ont déclaré avoir visualisé la capsule et 53 ont jugé qu’elle a facilité leur apprentissage.

Évaluation en cours de formation

Témoignage qualitatif : le formateur est beaucoup plus heureux.
Signe quantitatif : plus de questions avancées sont posées en atelier.

« Qui a vu la capsule? »

Cette question est régulièrement posée en début d’atelier après avoir demandé « Qui est sur Mac? Qui est sur PC? Qui utilise Word? Qui utilise LibreOffice? » Pour chaque question, la réponse est donnée à la main levée.

Pour les formations libres : en 2015-2016, moins de la moitié des participants (environ 40%) avaient vu la capsule avant de se présenter à l’atelier. En 2016-2017, environ 60% l’avaient fait. Pour les formations dans le cadre d’un cours : la majorité des étudiants ont vu la vidéo (environ 80% en 2015-2016 et 2016-2017).

Détails techniques

Les capsules vidéo sont créées avec le logiciel Camtasia et un casque-microphone Logitech USB (mieux qu’un casque ou microphone sur prise Jack car le son est de meilleure qualité). Une webcam est un bonus.

Les animations sont faites avec des diaporamas LibreOffice Impress ou MS PowerPoint.
Les vidéos sont diffusées en ligne par YouTube. Il est possible d’organiser les vidéos en série ou en chaîne. On peut très facilement ajouter une piste de sous-titres qui se synchronise automatiquement avec sa voix, en soumettant un fichier ASCII du verbatim de ce qui est dit.

Vers l’infini et au-delà…

Dans l’immédiat, nous sommes en train de créer une activité d’initiation à Zotero en ligne. Cette activité autonome et complète possède un cadre structuré comprenant plus de capsules vidéo (mais plus courtes) et de nombreux micro-exercices pratiques.

Nous envisageons d’utiliser ces techniques d’enseignement pour d’autres activités de formation sur les compétences informationnelles de la bibliothèque.

*

Tous mes remerciements à Pascale Bellemare, bibliothécaire, pour son travail d’édition, de relecture et de correction. A l’origine, le contenu de ce billet a été présenté en webinaire le 15 mars 2017 à la Demi-journée d’échange virtuelle sur l’utilisation des outils technopédagogiques organisée par le BCI, sous le nom Extension du domaine de la formation : Utiliser des techniques de la classe inversée pour enrichir les initiations à Zotero.

À propos de Pascal Martinolli

Bibliothécaire à l'Université de Montréal, responsable de la formation à l’utilisation de l’information à la Bibliothèque des lettres et sciences humaines

7 Réponses vers “Utiliser les techniques de la classe inversée pour enrichir les initiations à Zotero”

  1. Merci pour cette information, ça donne envie d’appliquer cette méthode immédiatement !

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  2. Bonjour Pascal. Nous donnons à la bibliothèque du Collège Montmorency, plusieurs formations sur Zotero. J’utilise aussi une capsule en classe inversée http://mondiapason.ca/ressource/debuter-avec-zotero/ pour préparer les étudiants mais je ne donne pas d’exercices. Je serais intéressé à voir un exemple d’exercice que tu prépares pour la pré-formation de tes étudiants. Est-ce que vous avez évalué par sondage si les étudiants font les exercices pré-formation?
    Merci pour le partage de ta pratique.
    Philippe Lavigueur

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  3. Bonjour,
    Après deux années d’utilisations, que concluez vous de cette forme d’apprentissage?
    Merci.

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    • Bonjour, c’est désormais le format par défaut de toutes mes formations Zotero et Endnote, cela permet de bien dégrossir les étudiants qui arrivent un peu plus préparé que la normale. Très utile quand je suis seul en formation et sans technicien qui m’accompagne pour la 1ère heure de démarrage de la formation.
      On va étendre cette forme d’apprentissage à d’autres activités, et pas seulement d’initiation de logiciel. Par exemple, l’activité Publions & Périssons est entièrement basées sur un principe d’auto-apprentissage à la maison et d’une vérification d’apprentissage en classe : https://github.com/pmartinolli/TM-publishnperish

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  4. J’ai relu avec plaisir ce billet trop vite consulté il y a deux ans. Est-ce que tu comptes utiliser cette méthode également avec les formations sur les outils de recherche? Merci.

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    • Ah, bonne question aussi : pas sur les outils de recherche pour le moment. Je pense que ce sont des formations où justement on accompagne du début à la fin sur un interface et une méthode. Donc, pour pas divulgâcher le contenu, on n’a pas fait cette méthode pour les outils de recherche.

      Cependant, on s’interroge sur le fait de proposer une capsule sur les booléens en pré-formation pour mettre tout le monde à jour sur ça et gagner du temps en formation sur l’outil de recherche.

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